HENRY DE FRANCE
PÈRE FRANÇAIS DU MOULINET
A TAMBOUR FIXE (1/3)    

          Hormis l'attrait que représentent pour nous les vieux ustensiles de pêche et quelles que soient les raisons qui nous poussent à les collectionner et donc les préserver, il est indéniable que par leur conception, ingéniosité, esthétisme et curiosité, ceux-ci ont tous contribué à l'histoire de la pêche.
    
           Si beaucoup d'entre nous s'intéressent à la gamme des moulinets que décrit Jean Huillet dans son livre " Les leurres légers ", et donc en particulier aux premiers moulinets à tambour fixe français ayant fait l'objet d'un dépôt de brevet (en 1935, citons dans l'ordre chronologique le Vamp de Causse, le Capta de Dubos, le Luxor 1er modèle, etc. ), il faut cependant garder en mémoire le précurseur du moulinet à tambour fixe français, le Vicomte Henry de France et son ingénieuse invention : le Moulinet Rustique dit "Boîte à petits pois".

               Le Vicomte Henry de France s'est éteint en 1947 à l'âge de soixante-quinze ans dans la demeure de ses pères, le vieux château d'Arry, dans la Somme.
    
          C'est un hommage national que lui rendit la presse halieutique du moment : "Dans cet homme à la culture immense, à la merveilleuse simplicité, tenant des plus hautes traditions, la pêche perd un passionné, un pur, un apôtre, un pionnier" …"La France enfin perd l'un de ses grands cerveaux, en même temps que l'un de ses fils les plus nobles, à tous les sens de ce grand et beau mot".
          La pêche n'était pas la seule passion qu'entretenait le Vicomte. Ses travaux sur la radiesthésie et l'art des sourciers en sont la preuve. Il présida d'ailleurs divers congrès internationaux sur ce sujet.
              
A la suite d'une invitation à tester le fameux moulinet à bâtonnet sur les étangs du Vicomte, Tony Burnand lui consacrait un article dans la revue ABDE (Au Bord de l'Eau ). Il y écrivit entre autres ces quelques mots : " Henry de France n'est pas qu'un inventeur, pas qu'un sourcier : c'est un lettré doublé d'un érudit que les pays se disputaient avant-guerre pour des conférences et des études passionnément suivies".

Arry, le château.
Le château du Vicomte Henry de France à l'époque où celui-ci confectionnait
le " Moulinet Rustique " durant les toutes premières années de ce siècle.

         Inventeur, il le fut sans conteste. Témoin la création de ce moulinet à dévidage en bout et l'ingénieux système de récupération du fil grâce à ce bâtonnet faisant corps avec la canne. 

          Mais qui donc excepté lui-même pouvait en parler le mieux ? Ainsi l'extrait d'une lettre qu'Henry de France écrivit quelques mois avant sa mort dans lequel il gravait dans la mémoire halieutique une de ces étapes primordiales qui font le progrès :
          
" J'ai eu l'idée dernièrement de rechercher les origines du moulinet à tambour fixe. Tous ceux qui existent actuellement ont pour ancêtre le Malloch du nom d'un fabricant de pêche de Perth. J'en avais eu connaissance lors d'une excursion de pêche en Écosse en 1903. Lors de mon retour, j'ai eu l'idée de l'arranger à ma façon et sans vrillage. J'ai abouti au moulinet à bâtonnet. Je l'employais surtout pour la pêche du brochet et des poissons blancs, car je n'ai pas de truite chez moi.

Le Malloch.
Ce moulinet était de prix élevé et l'on devait constamment
retourner le tambour pour éviter le vrillage de la ligne.

          J'ai présenté ce moulinet au concours du Casting Club. En consultant les annuaires de ce dernier, j'y lis qu'en 1910, j'ai remporté les premiers prix pour les lancers distance de 40 grammes plus un record ( pour l'époque ) de 48m55 pour quinze grammes. En 1913, je relève un prix pour un lancer de 43m50 pour 7gr5. Nous sommes incontestablement dans les limites du lancer léger. En 1910, je relève également un prix de précision à 20, 25 et 30 mètres ( 15 grammes ).
    En 1913, j'ai décrit mon moulinet dans un livre, La pêche sportive, qui a eu une édition et n'a pas été réédité. J'avais cru perfectionner mon système en y décrivant un bâtonnet ne se fixant pas à la canne. Depuis, je suis revenu à mon premier modèle qui, au total, me semble plus commode en pêche. 

" La pêche sportive "
dont on sait que le titre signifie exactement :
"La façon de pêcher sportivement par tous les procédés recouvrant au lancer,
y compris donc la coulée à une certaine distance".

          La guerre de 1914 a éclaté. Pendant plusieurs années, on n'a plus parlé du moulinet à tambour fixe. Sauf erreur de ma part, ce moulinet a dû revenir d'Angleterre vers 1932, à la suite des travaux d'Illingworth, qui furent à peu près contemporains des miens, mais qui, à leur différence, s'étaient poursuivis et surtout avaient été manufacturés. J'étais très handicapé sous ce dernier rapport. Le moulinet à bâtonnet, même pourvu d'une canne appropriée, devait s'établir à un prix très inférieur à celui d'un équipement de moulinet à manivelle. Il n'est donc pas étonnant que ce dernier ait été seul retenu. C'est un peu comme pour les livres, où une brochure populaire a moins de succès auprès des libraires qu'un gros livre coûteux qui permet de leur consentir des remises importantes.
           Je sais qu'on a reproché à mon système l'aspect inaccoutumé du bâtonnet. Cependant, l'expérience montre, surtout si l'on a pris la précaution de s'exercer à manœuvrer ce bâtonnet d'abord sans y passer la ligne, que l'on ne tarde pas à savoir s'en servir aussi bien et aussi vite que d'une manivelle."

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Halieutikos